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(Jacques Thomet – Correspondant du CIDE de Lausanne)
Le 8 avril 2022, Audrey mettait fin à ses jours à 28 ans à l’hôpital de Saint Etienne (Loire) où elle était interne en médecine. Elle n’a pas supporté le silence de la justice cinq ans après sa plainte contre l’inceste paternel sur elle et ses deux sœurs Mathilde et Elisa, dénoncé quand elles étaient des enfants respectivement âgés de 9, 6 et à peine 2 ans.
Révélation des viols par les enfants
La fin tragique de cette jeune femme illustre la faillite de la police, de la justice et des experts dans la lutte contre la pédocriminalité. Pendant près de cinq ans, de 2003 à 2008, la maman, Jenny, a subi les pires châtiments pour avoir cru la parole de ses fillettes et osé porter plainte, m’a-t-elle confié. Le 25 octobre 2003, Audrey sera la première à révéler l’inceste subi par sa petite soeur lors d’un voyage en voiture, abus confirmé par Mathilde. La petite Elisa s’exclame alors : « papa me fait mal à la zézette ! » Les deux aînées enchaînent : « papa met les doigts dans sa zézette, se couche tout nu sur elle également nue, il a le zizi tout droit, Elisa a mal ». La maman se rend aussitôt à l’hôpital d’Orléans. Quand le père, prévenu, arrive sur place, les filles, terrorisées, se cachent sous le lit où elles sont hospitalisées. Un médecin, une psychologue et une assistante sociale confirment les dires de la petite, qui a mimé sur une poupée les frottements violents de son père sur son pubis, et ils envoient un signalement au procureur sur un « danger » pour la fillette.
Audrey et Mathilde n’avoueront qu’en 2004 à leur mère avoir subi les mêmes horreurs quand elles étaient plus petites, « par peur devant les permanentes menaces de mort du père si elles parlaient ». Il les menaçait de « les tuer avec un fusil, un pistolet ou un marteau, de les étrangler et de mettre le feu à la maison. » Elles l’ont répété sans relâche devant de multiples témoins.
Les plaintes de Jenny contre le géniteur ont été classées sans suite en 2004 et 2005 sans une véritable enquête judiciaire malgré les signalements et les auditions des fillettes. Ce cadre de la SNCF a été en garde à vue pendant deux heures, puis relâché, et aucune perquisition n’a été menée à son domicile.
La mère condamnée
Des policiers, avocats et éducateurs sociaux ont traité la maman de « menteuse et mauvaise mère » dans les prétoires et à l’extérieur. Une Aide éducative en milieu ouvert (AEMO) lui a été imposée pour un contrôle sans relâche d’elle et de ses filles dans leur nouveau domicile. La première équipe à Orléans de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) l’a maltraitée, se souvient Jenny : « avouez, Madame, que vous avez menti ! Vous êtes une
mauvaise mère, on va vous enlever vos enfants », criait une éducatrice, avant d’appeler mes trois petites pour les prendre à témoin : « regardez votre mère, elle pleure devant vous ! »
Pour non-présentation d’enfants, Jenny a été condamnée deux fois, à trois mois puis un mois avec sursis, malgré cette conclusion orale d’un juge des affaires familiales envers le père : « on ne peut pas le prouver, mais il est certain que vous avez fait quelque chose aux enfants pour qu’ils réitèrent leurs paroles depuis des années ». Rares sont les cas où un magistrat émet de tels doutes après deux classements sans suite pour inceste.
Des jugements basés sur une expertise psychiatrique douteuse
Le coup de semonce a été porté par le docteur Paul Bensussan quand il a auditionné la famille pour une expertise psychiatrique. Étonnamment, les juges de Versailles lui donnent systématiquement ce mandat alors qu’il n’est pas pédopsychiatre. Il était déjà connu comme un partisan du syndrome d’aliénation parentale. Ce concept inventé par un pédocriminel et non reconnu par l’association mondiale des psychiatres est décrit comme la manipulation d’un enfant par l’un des parents afin de l’éloigner de l’autre parent et impute à ce contrôle des enfants par leur mère les dénonciations d’inceste. Encore plus surprenant, ce docteur reçoit alors Jenny en même temps que… son ex-mari. « Il garde un ton ironique durant tout l’entretien à mon égard, raconte la maman. Il me répète sans arrêt que ce que je dis n’est pas important. Il a des gestes de sympathie envers l’agresseur qui lui passe le bonjour de son avocate. Ils rient ensemble. Il nous demande comment étaient et sont à ce jour nos relations sexuelles avec nos nouveaux partenaires éventuels. Le père lui dit que sa nouvelle compagne est plus disponible et qu’il est plus satisfait. Paul Bensussan lui répond qu’il est content pour lui et me regarde en souriant puis me jette : ‘ça ne m’étonne pas’.. Un cauchemar que je n’oublierai jamais. »
Dans les deux jugements suivants, les magistrats prennent pour argent comptant l’expertise Bensussan, à charge contre la mère, à décharge pour le père, la citent et maintiennent au géniteur des droits de visite, qu’il n’honorera pas. “L’expert a estimé faible la propension de Monsieur à l’agression sexuelle, l’attachement exprimé envers ses filles, comme la souffrance qu’il ressent de la situation actuelle lui apparaissant parfaitement authentiques (…). Il est mentionné par cet expert une situation d’aliénation parentale particulièrement initiée par la mère à l’encontre du père et estimé qu’un placement des mineurs est à envisager pour les soustraire de cette situation qui met en péril leur épanouissement psycho-affectif futur et permettre de restaurer des liens avec les deux parents.”
Paul Bensussan a été convoqué le 18 février 2025 devant la chambre disciplinaire du conseil de l’ordre des médecins après la plainte de quatre associations de défense de l’enfance, selon lesquelles il n’a « ni la formation ni les compétences ». La décision sera connue prochainement.
Une fin tragique
La maman et ses deux autres filles désormais adultes, Mathilde et Elisa, sont sorties à grand peine d’un deuil interminable et de leurs syndromes post-traumatiques. Elles sont déterminées à se battre contre l’Etat et les responsables de ce drame. « Un monstre a détruit mes enfants, il a tué Audrey à petit feu, je me sens coupable de n’avoir rien vu et d’avoir engendré des enfants qui souffrent, mais Audrey serait fière de notre révolte en son nom et que l’on serve à quelque chose dans la défense des enfants et de leurs mamans », m’a révélé Jenny. Elle aussi veut être reconnue comme victime et attend la condamnation de leur bourreau.
Elisa s’est engagée à la tête de ce futur combat contre l’auteur de ses viols. « Il a tué ma sœur, il ne va pas s’en sortir, je le hais, répète-t-elle depuis longtemps », m’assure sa mère. La cadette est née d’un viol de son père sur sa mère. Elle en a été informée par Jenny une fois adulte.
Avant d’absorber le potassium mortel pour abréger ses souffrances, le corps scarifié de toutes parts à la seule exception du visage entre deux tentatives de suicide, Audrey avait fait une ultime tentative pour obtenir une seule chose : « être reconnue comme victime ». Une lettre puis une plainte contre le prédateur au procureur en 2017. En vain. Le silence. Le 8 avril 2022, elle commettait l’irréparable.
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