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DES MÈRES FRANÇAISES SE CACHENT DE LEURS MARIS PÉDOPHILES

SOS enfants martyrs

Appel à Ruth Metzler: intervenez pour ces femmes qui fuient la France où leurs ex-époux abuseurs ont le droit de visite auprès de leurs victimes. Elles affluent en Suisse romande.

Réfugiés à Lausanne, une mère et son fils regardent la France, terre de liberté… pour les abuseurs.

Fuyant le pays des droits de l’homme comme d’autres fuient des dictatures, une quinzaine de mères et un père (!) français sont venus chercher refuge récemment en Suisse romande, plus précisément sur Vaud et Genève, afin de protéger leurs enfants victimes d’abus sexuels.
Des parents en cavale pour ainsi dire, puisqu’ils sont là dans le but d’échapper à des décisions de justice mettant, selon eux, leurs enfants en péril, voire en danger de mort. «Mon fils parle de réunions d’adultes, de mises à mort de bébés, de messes, de sang versé, de déguisements invraisemblables, de chasses à courre d’enfants organisées dans une forêt de France, raconte Marie*. Il reconnaît des notables, il décrit des lieux avec précision. Je l’ai identifié sur des cédéroms d’images pédophiles. Ses récits comme ses dessins concordent avec ceux d’autres victimes qu’il ne connaît pas. Comment voulez-vous que je respecte une justice qui voudrait
que je le rende à ses bourreaux? Jamais je ne lâcherai mon enfant!»

Marie est arrivée à Lausanne il y a quelques jours avec son petit garçon. Tandis qu’il trompe l’ennui dans la chambre d’hôtel en regardant les Pokémon, elle nous rejoint dans le hall pour raconter l’ inracontable – ce que son fils de même pas 10 ans a subi des années durant de la part de son père et de ses amis, «les docteurs de papa», et aussi le pire des traumatismes, dit-elle, celui de ne pas être cru, entendu par la justice: «Tous les jours mon fils me demande: «Pourquoi ils protègent les méchants?»

Sonia Pizel, présidente du collectif français Sauver l’enfance en danger, accuse: «En France, les magistrats ne sont pas suffisamment formés dans le domaine des abus sexuels. Lorsque c’est un parent qui dénonce un autre parent, l’affaire est systématiquement vue sous l’angle sordide du conflit familial. Tout est inversé: une mère qui accuse est regardée comme une folle qui instrumentalise son enfant pour nuire à son ex et se retrouve à son tour accusée! Un médecin qui signale des cas de maltraitance est poursuivi et suspendu!» (Lire encadré.)

Urgence humanitaire

De plaintes en non-lieux, de non-lieux en condamnations pour non-représentation d’enfants, de cours civiles en cours pénales: ce n’est pas par hasard que ces mères atterrissent à Lausanne ou Genève comme sur des terres d’accueil.
A Lausanne, elles viennent frapper à la porte du Comité international pour la dignité de l’enfant (CIDE), présidé par le député vaudois et délégué à la prévention des mauvais traitements Georges Glatz, qui travaille depuis dix ans main dans la main avec d’autres ONG françaises spécialistes de la maltraitance. Genève, de son côté, a la réputation d’être un canton courageux en matière de lutte contre la pédophilie suite au geste exemplaire du procureur général Bernard Bertossa qui a permis aux parents d’enfants abusés ou disparus de consulter les cédéroms d’images pédophiles en mains de la justice.

Seulement voilà: Georges Glatz est débordé, ainsi qu’il l’a déjà déclaré sur les ondes de la Radio romande (lire notre édition du 26 janvier dernier): «Le CIDE, rappelle-t-il, est plutôt spécialisé dans l’investigation et le conseil que dans l’aide humanitaire. Mes moyens sont limités (n.d.l.r.: le CIDE fonctionne sans aucune subvention). Je cherche de toute urgence des logements pour ces familles.»
Depuis mercredi dernier, jour où TF1 a diffusé un reportage de huit minutes sur le sujet à la fin du Journal de 20 heures, le téléphone du CIDE ne cesse de retentir. A tel point qu’hier après-midi, submergé par ces situations délicates et inquiet des dérapages possibles, Georges Glatz a envoyé une lettre à la conseillère fédérale Ruth Metzler (avec copie à la garde des Sceaux française Marylise Lebranchu) demandant, en substance, aux autorités fédérales de se saisir du problème. «S’il ne s’agissait que de deux ou trois cas, on pourrait parler de faits divers, mais là, nous sommes face à un phénomène de société. Cela dépasse largement mes compétences», estime Georges Glatz.

Formules chocs

Les dysfonctionnements du système judiciaire et social français signalés par ces mères sont-ils réellement aussi dramatiques? Me Miguel Grattirola, connu hors Hexagone pour avoir dénoncé les manquements de l’espace judiciaire niçois dans le cadre de l’affaire Karim Kamal (le premier Français à avoir obtenu l’asile politique aux Etats-Unis), a le sens de la formule: «En France, on protège mieux les biscuits que les enfants, ironise-t-il. La preuve? On place des caméras de surveillance dans les supermarchés alors qu’on ne trouve pas dans les commissariats de quoi enregistrer les récits des enfants victimes d’actes pédophiles. En France toujours, si vous êtes chauffeur de poids lourd, vous passez une visite médicale tous les cinq ans, mais si vous êtes juge aux affaires familiales, personne ne vous demandera jamais si vous avez une attirance sexuelle pour les enfants. C’est une réalité: il y a actuellement des gens qui jugent leur prochain à longueur de journée et qui visionnent des cassettes pédophiles le soir.»
* Prénom fictif

JOËLLE FABRE
INTERVIEW EXPRESS du psychiatre Gérard Salem, président de la Commission vaudoise de prévention des mauvais traitements (CCMT).
– A la demande du CIDE, vous avez été amené à examiner en qualité d’expert quelques-unes de ces mères qui fuient la justice française pour protéger leurs enfants victimes d’abus sexuels. Sont-elles fiables?
– Une majorité d’entre elles sont tout à fait crédibles. J’ai été stupéfait, en étudiant les dossiers, de constater que des certificats médicaux en bonne et due forme puissent être balayés par des juges tandis que certaines expertises bâclées se bornant à une ou deux consultations ont été prises en considération. Il me semble que l’on conclut un peu vite dans certains tribunaux français.
– Cela n’arrive pas en Suisse?
– En Suisse romande, particulièrement sur Vaud et Genève, le travail de la police et des juges est remarquable. Dès qu’il y a un doute, on instruit plus loin, on demande une autre expertise.
– Qu’est-ce qu’une expertise sérieuse?
– Il faut compter une dizaine de consultations pour évaluer l’enfant et, si possible, ses deux parents, puis faire des confrontations – ce qui est essentiel dans ce domaine! L’interaction entre l ‘enfant et sa mère ou son père, les gestes, les regards échangés, tous ces comportements non verbaux nous apprennent beaucoup de choses quand on est spécialisé en systémique. Il y a toutefois des expertises très délicates, dans lesquelles la certitude n’est jamais acquise. Dans ces cas, je n’hésite pas à demander l’avis d’un confrère.
– Ces enfants qui ont été cassés par des abus sexuels, puis recassés par la non-reconnaissance de ce qu’ils ont subi, ont-ils une chance de renouer avec une vie normale?
– La reconnaissance a un pouvoir thérapeutique plus puissant que n’importe quelle psychothérapie. Tant que la justice n’aura pas reconnu le mal qui leur a été porté, ces enfants resteront irrémédiablement lésés. Ce déni est la pire douleur qui soit. C’est un traumatisme supplémentaire dont toute la société est responsable.
Jo. F.
Cent médecins discrédités

CERTIFICATS MÉDICAUX SOS Papa encourage les pères à déposer plainte.

«La justice française ne reconnaît pas la parole de l’enfant, pourquoi?», s’interroge, entre autres, le collectif français Parents-Protecteurs. Manifestement, la parole des médecins n’a pas davantage de poids. Ils sont une centaine à ce jour – pédiatres, pédopsychiatres, médecins généralistes, gynécologues, médecins légistes – à avoir étés poursuivis par le conseil de l’Ordre des médecins pour avoir signalé à la justice des situations d’enfants qu’ils estimaient victimes d’abus sexuels et rédigé des certificats faisant état d’agressions sexuelles présumées sur des enfants. Cela ne laisse pas d’étonner au moment où les chaînes françaises diffusent à tour de bras des spots (électoralistes?) demandant solennellement à chaque citoyen de faire son devoir en signalant les cas de maltraitance. Parmi ces médecins traînés dans la boue, la pédopsychiatre Catherine Bonnet a appris hier avec soulagement que le Conseil national annulait les deux interdictions de pratique qui lui pendaient encore au nez. Le docteur Bonnet impute cette pluie de plaintes à l’association SOS Papa qui, parmi d’autres «conseils pratiques aux pères divorcés», leur a donné en 1997 celui porter plainte au cas où ils se sentiraient lésés par un certificat médical, en leur indiquant la marche à suivre. «Il y a un puissant contre-courant en France, étayé par des auteurs comme Bernard Fillaire, qui dénonce la douleur des pères et met en garde la société contre des mères hystériques qui utilisent le soupçon d’inceste comme arme dans le divorce. Ce courant est très utile pour protéger des notables et pour masquer l’existence des réseaux pédophiles.»

Jo. F.

24 Heures2 février 2002