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Après avoir fuit la France pour protéger sa fille contre les abus de son père, Bozena Borowiec est contrainte par l’Office fédéral de la justice de retourner dans son pays en raison d’un mandat d’arrêt international. Témoignage de son fils Sébastien
Daniel Eskenazi
Coup dur pour Bozena Borowiec, une de ces femmes françaises arrivées en Suisse pour protéger leur enfant d’abus sexuels qui auraient été commis par le père. Elle est incarcérée à l’Hôpital de l’Ile à Berne depuis le 5 juillet. Et l’Office fédéral de la justice vient d’accorder jeudi son extradition vers la France où elle a été condamnée à un an de prison ferme pour non-présentation d’enfant au père. Elle était sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Séparée de sa fille
Arrêtée le 11 juin par la police cantonale vaudoise et séparée de sa fille C., elle a tenté de se suicider et fait a une grève de la faim durant cinquante-six jours. Elle l’a interrompue afin de pouvoir se défendre durant la procédure intentée par le père pour faire retourner C. en France. Mais lorsqu’elle a appris jeudi la nouvelle de son extradition par les médias, elle a décidé, désespérée, de recommencer sa grève de la faim, exigeant même de se faire euthanasier. Me Anne-Louise Gilliéron, son avocate, va prochainement lancer un recours contre son extradition.
Alors que Bozena Borowiec est vue par la justice française comme déséquilibrée, Georges Glatz, président du Comité international pour la dignité de l’enfant, (CIDE), la décrit différemment: «Cette mère est venue me voir spontanément avec sa fille. Au vu de ce qu’elle m’a dit et des pièces du dossier, je considère son témoignage comme crédible. L’affaire devrait être rouverte et réexaminée. C’est dans ce sens que j’ai écrit au président Jacques Chirac», relève-t-il.
Depuis deux semaines, Sébastien, 21 ans et aîné de ses enfants, se bat en créant un site internet. Il livre un témoignage poignant sur le parcours de sa mère à qui il a rendu visite lundi à l’hôpital et qu’il décrit comme «squelettique».
«Originaire de Pologne, ma mère rejoint à 21 ans son premier mari arrivé en France quelques années auparavant. Après quatorze ans, ils se séparent. Ma mère veut obtenir la garde de ses enfants. Faute d’avoir trouvé un logement adéquat, nous sommes confiés à notre père», explique-t-il. Deux années passent. Bozena Borowiec fait la rencontre d’un homme d’une quarantaine d’années avec lequel elle a une petite fille, en octobre 1997. Son compagnon ne vit pas sous le même toit et ne la réclame que plusieurs mois après sa naissance. Un droit de visite lui est accordé deux fois par mois. Mais certains comportements troublants se produisent: «Dès l’âge de 2 ans et après chaque visite chez son père, ma soeur restait blottie dans les bras de ma mère pendant des heures, muette», se souvient-il. Un jour, après avoir été aux toilettes, elle revient le pantalon baissé et lance: «Papa touche, avec la langue, ça fait mal.» Ma maman l’ausculte et trouve des lésions sur les muqueuses vaginales.» D’après Brigitte Plaza, l’avocate française de Bozena Borowiec, plusieurs médecins feront les mêmes constats et établiront des certificats dont les juges ne tiendront pas compte.
«Papa se couche sur moi la nuit»
Par la suite, C. détaille crûment certaines scènes: «Papa se couche sur moi la nuit. Il me fait mal avec les doigts aussi.» Elle partage la chambre de son grand frère: «C. se réveille souvent pendant la nuit, cauchemarde et gémit durant son sommeil», raconte Sébastien. Sa mère s’active encore plus: visites à la brigade des mineurs, témoignage de sa fille auprès du commissaire et de psychologues qui, eux aussi, établissent des certificats. Elle écrit au président, aux ministres et à des associations. Las, elle dépose plainte pour attouchements sexuels et demande une modification du droit de visite au père pour qu’il s’exerce sous surveillance. Car elle veut à tout prix protéger C. Elle n’est pas entendue par la justice.
Et, sous la pression de la police, elle doit pourtant se résigner, la mort dans l’âme, à laisser sa fille à son père tous les week-ends. Avant q’il ne vienne la chercher, C. fait des crises, se jette à terre en hurlant et en sanglotant. Pendant les semaines suivantes, la mère et sa fille se cachent chez des amis. Fin décembre 2001, désespérée par les dysfonctionnements et la lenteur de la justice, elle entend parler du CIDE à Lausanne. A la mi-janvier, elle quitte la France pour la Suisse, avec l’espoir d’être protégée en demandant l’asile. Nouvelle désillusion: sa demande est refusée. «Mais moi, je veux continuer à combattre pour ma mère afin que, si elle meurt, tout le monde sache la vérité», conclut Sébastien.
24Heures, 15 août 2002
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